Ne vous êtes-vous jamais demandé ce que les hommes et les femmes de lettres se mettaient entre les oreilles lorsqu’il s’agit de s’inspirer, d’oublier, de danser, de chanter, de voyager, de rêver? Parlons chanson avec … a posé la brûlante question — « Quelle est votre chanson fétiche du répertoire francophone, et pourquoi? » — à huit auteurs francophones et francophiles originaires d’un peu partout au Canada.
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Pour trouver une chanson fétiche, je régresse jusqu’à mes dix-sept ans. Édith Piaf chante Je ne regrette rien, et je l’écoute, à maintes reprises, délicieusement déchirée par mes propres regrets. D’ailleurs, rien n’a changé, car me voici aujourd’hui plongée dans le regret de ne pas avoir choisi Le métèque, de Georges Moustaki, comme chanson fétiche. Comment choisir entre deux amours? Non. Rien de rien, je ne regrette rien.
Martha Baillie, romancière
Auteure de The Search For Heinrich Schlögel, 2014
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Ma chanson fétiche du moment? Je dis « du moment » parce que sinon, je pourrais en nommer cent, des chansons fétiches. La chanson de Prévert de Gainsbourg. Pourquoi? Parce que c’est la seule chanson que je puisse écouter en boucle tout en travaillant efficacement, comme si elle m’aidait à me concentrer.
Mais…
J’aurais pu dire La fin de l’homme de Daniel Bélanger
Les tours d’horloge de Thomas Fersen
N’importe quelle chanson de Barbara ou de Brel
Presque n’importe quelle chanson de Ferré
Plaisirs dénudés de Pierre Lapointe
Ou Le scotch goûte le vent de Bernard Adamus
Et tant d’autres
Oh la la…
Douleur merveilleuse de choisir!
Martin Bellemare, dramaturge
Auteur de La liberté, 2013
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La chanson XXL, de Mylène Farmer, notre Française canadienne-française. Pour la voix. Pour la poésie, qu’écrit d’ailleurs elle-même Mylène. La femme est l’être le plus beau qui soit. Qu’elle soit fleur de macadam ou qu’elle soit pétale d’éther, la chanson veut tout dire. « On a besoin d’amour », démesurément précis, délicatement surdimensionné.
Éric Charlebois, poète
Auteur du recueil Compost-partum, 2014
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La plus grande chanson française, pour moi, serait Les feuilles mortes de Jacques Prévert et Joseph Kosma. C’est une chanson dont la simplicité est déconcertante et qui fait appel à la mélancolie qui accompagne l’automne. Cette chanson a connu plusieurs grandes interprétations (dont celle d’Yves Montand) et, traduite en anglais (sous le titre de Autumn Leaves), elle a aussi été chantée par plusieurs artistes. Serge Gainsbourg, à son tour, a fait sur cette chanson la superbe Chanson de Prévert.
Herménégilde Chiasson, poète et dramaturge
Auteure de Autoportrait, coffret de douze recueils de poèmes, 2013
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23 décembre, de Beau Dommage. Comme avec toutes les chansons de Michel Rivard par la suite, Beau Dommage a su dépeindre fidèlement, en peu de mots, toute une époque. Une époque où tout s’arrêtait entre Noël et le Jour de l’An, parce qu’on partait visiter la famille, quoi qu’on n’était jamais sûr de se rendre, parce qu’il y avait immanquablement des tempêtes de neige. Une époque où l’on était tous un peu moins pressés, un peu plus naïfs et où, dans notre naïveté, on pensait que « Dupuis Frères » ne pouvait pas fermer ses portes, tout comme on ne pouvait pas ne pas avoir un Noël blanc. Et on allait à la messe de minuit juste au cas; c’était un peu comme croire au Père Noël… tout d’un coup qu’il aurait existé vraiment!
Catherine Lafrance, romancière
Auteure de Jusqu’à la chute, 2015
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Ce qui me vient à l’esprit, spontanément, c’est la chanson Spoutnik, de Daniel Bélanger. Pourquoi? Je nous reconnais tellement en ces vers : « Six milliards de solitudes / Six milliards, ça fait beaucoup / de seuls ensemble ». Nous sommes si nombreux à éprouver ce sentiment, et pourtant… Ce qui nous éloigne ne contribue-t-il pas à nous rapprocher? La peur de partager, de se mirer l’un dans l’autre, de se reconnaître, de se voir tel qu’on est…
Sonia Lamontagne, poète
Auteure du recueil Comptine à rebours, 2015
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Ma chanson préférée est Nantes, de Barbara. « Il pleut sur Nantes / Donne-moi la main / Ce ciel de Nantes / Rend mon cœur chagrin ». Pourquoi? C’est écrit comme un roman et c’est chanté comme… Barbara. La mélancolie tout au long et l’effet surprenant de l’amour paternel que l’on n’attendait pas. Elle m’émeut comme au premier jour.
Didier Leclair, romancier
Auteur de Pour l’amour de Dimitri, 2015
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Avec le temps, de Léo Ferré. Même si elle est plutôt négative, cette chanson me touche par sa douce et profonde mélancolie. Ne me quitte pas, de Brel, a également la capacité de me faire frissonner et perdre l’équilibre, signe d’une chanson qui me pénètre jusqu’à l’âme. Mais c’est la chanson de Ferré qui me parle le plus. Si elle vient me chercher, c’est parce qu’elle incarne (sauf pour ses références précises) des états d’âme qui reflètent les miens, une angoisse devant l’aspect éphémère des choses, la fragilité de l’amour, l’effet qu’a sur notre perception des choses et sur nos agissements la notion du temps qui fuit. Il me semble m’être trouvé toute ma vie au même point d’impasse et de remise en question qu’évoque cette chanson. Écouter les paroles de Ferré, c’est comme lire mon journal intime.
Paul Savoie, poète
Auteur du recueil L’autre bout du monde, tome 2, 2013
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Éric Charlebois, Herménégilde Chiasson, Catherine Lafrance, Sonia Lamontagne, Didier Leclair seront au Salon du livre de Toronto du 4 au 6 décembre 2015.
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